Plaidoyer pour Pierre-Paul RIQUET

par Karine GISTAIN

avocat au Barreau de Toulouse

Discours prononcé lors de la rentrée de la conférence du stage de l’Ordre des avocats au Barreau de TOULOUSE le 7 mars 1997

En ce matin du 8 décembre 1996, j'étais brusquement tirée de mon sommeil.

Un journaliste annonçait mécaniquement, noyé dans un flot de faits divers que l'Unesco avait classé le Canal du Midi dans le patrimoine mondial de l'humanité.

Je m'éveillais dans un sourire.

Je franchissais l'Arc de Triomphe, traversais l'immense Place Rouge, déambulais sur la Grande Muraille de Chine, découvrais émerveillée les jardins du Palais de Versailles.

Derrière l'Acropole surgissait Auschwitz.

Mais déjà je l'apercevais, s'étirant nonchalamment de Sète a Toulouse, unissant par ses eaux les deux Languedocs, immensément calme et serein, ondoyant nonchalamment, protégé par mille arbres. Le Canal du Midi, Notre Canal du Midi!

Celui que nous tous ici réunis, Toulousains de naissance et Toulousains d'adoption, nous traversons quotidiennement ; celui que nous apprécions à parcourir en flânant, que nous apercevons du haut de nos balcons.

Et moi qui croyais, naïvement je le concède, que seul notre fidèle troubadour Gascon,

avait eu la délicatesse de l'immortaliser, au détours d'une chanson dans laquelle il évoquait la couleur de ses eaux.

Le Canal du Midi est désormais considéré comme un site dont la valeur exceptionnelle universelle impose la sauvegarde au nom de l'humanité toute entière !

Vous en conviendrez avec moi, la nouvelle est d'importance et m'empêche aujourd'hui de vous parler de droit.

Sauvé des affres d'une politique d'aménagement du territoire qui, il y a à peine vingt-cinq ans de cela, avait eu l'affreuse idée de vouloir le transformer en vulgaire autoroute, le Canal du Midi est entré dans ce que Châteaubriand se plaisait a appeler «le patrimoine de l'Univers».

Un patrimoine qui nous appartient à tous mais dont personne ne peut disposer, qui touche à l'esprit des hommes, qui est le fruit et le véhicule de leur culture. Un patrimoine qui fait de notre Canal du Midi un témoin légitime de l'histoire, un lieu de mémoire hautement protégé, dans lequel chacun de nous pourra contempler la marque de son génie. Un monument intemporel sauvegardé et transmis à la postérité pour qu'à jamais on puisse se souvenir, y lire son passé, enrichir son savoir.

Il ne restait qu'à l'humanité de remercier celui qui lui avait légué son œuvre et pourtant elle semblait l'avoir oublié. Si seulement le Canal du Midi était né sous le nom de Riquet...

Encore absorbée par la grande nouvelle, je me plaisais à m’imaginer, présomptueusement j'en conviens, intervenir volontairement à la tribune de l'Unesco et plaider pour le créateur du Canal du Midi !

Oui. Celui qui avait osé engendrer «Sa créature» à force de détermination, de courage, d'enthousiasme et d'imagination ! Un client de rêve.

Seulement voilà, à l'Unesco comme malheureusement dans d'autres endroits de ma fréquentation, on ne plaide pas, on dépose !

Il ne me restait qu'à saisir l'occasion. C'était décidé, je plaiderais à Toulouse, chez moi.

Riquet n'est pas seulement un triste boulevard, pas seulement une statue défraîchie.

C'est un génie du grand siècle qui a cru sans relâche au dessein ambitieux de joindre un jour les mers. Un homme dont l'histoire devrait se conter, non pas à l'imparfait mais au plus que parfait.

C'est de cet homme exceptionnel, sans qui l'ouvrage n'aurait pu voir le jour, et dont je me refuse à penser qu'il puisse demeurer seulement l'ombre de son œuvre, dont je veux vous parler aujourd'hui.

Pierre Paul Riquet est de ceux que la nature a comblé de ses dons. Et d'abord, elle l'a fait inventeur. Il faut pour le connaître remonter le cours de la vie, plus de 300 ans en arrière...

La capitale du Languedoc est en liesse, elle s'apprête à accueillir les eaux !

Devant la tranchée béante creusée pour l'occasion et qui s'étend de Naurouze à Toulouse, des milliers de personnes se sont rassemblées formant une haie d'honneur au canal : les forgerons portant sur leurs épaules les lourds marteaux, les maçons agitant dignement leurs règles, les charpentiers, les cordiers. Ils sont tous là, hommes et femmes réunis qui ont usé leurs bras à creuser, déblayer la terre ; les simples curieux même ont accouru en nombre.

 

Là haut dans la montagne noire on délivre les eaux !

Découvrant ce trajet dessiné sur mesure, elles sont lâchées dans la rigole. Emportées dans leur élan naturel elles atteignent le point de partage, franchissent Castelnaudary, puis Ayguevives, Montgiscard, Castanet-Tolosan,.. Enfin, elles sont aux portes de Toulouse !

On peut maintenant les entendre qui frappent ces jeunes écluses qui attendaient impatiemment et ce sont les carillons des églises de Saint-Sernin, et ceux de Saint-Etienne qui se mettent à résonner accompagnant les cris des nouveaux riverains transportés de bonheur qui n'en croient pas leurs yeux !

Là où tant de rois étaient venus échouer, lui avait réussi. Charlemagne, François ler, Henri lV, avaient caressé le projet, imaginé l'ouvrage, mais siècle après siècle, l'inconstance de nos fleuves, les caprices du temps, les excentricités de nos reliefs, l'instabilité de nos terres avaient eu raison de leur dessein. L'eau viendrait forcément a manquer et fendre le Languedoc de part en part pour unir les mers était chose impossible.

Pourtant ce jour la, l'eau n'avait pas été absorbée par les terres fraîches. Elle s'était couchée docilement sur le lit qu'il lui avait dessiné, s'était laissée descendre comme il l'avait promis.

C'est qu'il était sûr de son coup le Sieur Riquet ! ll l'avait trop longtemps pensé son canal, trop minutieusement étudié, trop magnifiquement imaginé, pour qu'il reste projet.

«Je ne vous demande que le reste de l'année - écrivait-il à Colbert- pour convaincre les plus incrédules, de l'infaillibilité du canal, et de leur faire avouer que j'aurai doublement plus d'eau qu'il ne m 'en faut. Déjà ceux qui voient le commencement de mes magasins en conviennent, et par préjugé me qualifient le Moïse du Languedoc, à cette différence, disent-ils, que Moïse ne fit jaillir que des sources pour de petites fontaines, et que j'en dispose pour de grandes rivières».

Cette eau, il l'a cherchée consciencieusement des années durant, convaincu qu'elle existait, tenaillé par l'idée de réaliser ce qui serait «Sa créature».

On dit qu'il aurait entendu parler du fabuleux projet de la bouche de son père encore tout jeune enfant ; que Guillaume Riquet aurait raconté avec quelle détermination les magistrats chargés de l'administration de la commune de Béziers avaient condamné le projet d'un certain Ambat «à ne plus voir le jour sous peine d'une poursuite légale contre tous ceux qui seraient tentés à l'avenir de le reproduire».

Peut-être qu'en ce jour où l'eau coule enfin vers Toulouse, notre homme aime à se souvenir cette époque lointaine où déjà dans sa pensée il avait réuni les mers. L'idée est en germe, elle va faire son chemin. Elle va parcourir avec lui les routes du Midi, celles au travers desquelles son métier lui impose d'aller percevoir la gabelle, traverser Montpellier, Béziers, Perpignan, Carcassonne, Toulouse, sillonner les coteaux du Lauragais, le pays des cocagnes, les vignes du Narbonnais, les rocailles du Minervois, les garrigues sèches du Biterrois au milieu desquelles il a grandi...

 

Elle va s'accoupler avec l'homme et s'épanouit en lui. Ensemble, ils vont apprendre à connaître la terre, à l'écouter. Ensemble, ils vont apprendre à connaître les hommes, à récolter de précieux conseils et de bons enseignements.

«L’œuvre d’art, c'est une idée qu'on exagère."'

Et Riquet, l'homme de cette idée, de cette seule idée, de cette grande idée, ne peut rester un pointilleux fonctionnaire, il lui faut autre chose à mener que la gabelle !

«J'ai un canal dans la tête, il faudra bien qu’il sorte»!

Rien d'étonnant dès lors que le personnage, au détour du chemin, se retrouve au pied de la Montagne Noire. Jalonnant les pentes de cette belle montagne, découvrant les secrets enfouis sous ses forêts denses, La Loubatière, Ramondens, Montaut, Font Bruno, gravissant les sommets, il explore, il dessine, il calcule, il observe.

il observe le torrent de l'Alzau, la Bernassonne, le Lampi grossi du Lampillon, le Rieutort, écoute les ruisseaux, sonde leurs profondeurs, dose leurs débits, calcule les pentes, conçoit les jonctions, mesure les distances.

 

La nature le fait soudainement géomètre, géographe, dessinateur, hydraulicien...

Là-bas il y a de l'eau en quantité. Suffisamment pour alimenter un canal. Riquet s'en convainc à chaque fois qu'il arpente ce site merveilleux qu'il apprend à connaître aux côtés du fils d'un fontainier de Revel.

C'est ici qu'il faut prendre l'eau !

Il acquiert la certitude que l'ouvrage est réalisable. C'est sûr, il jettera un coup au «Sor» ! Il s'emparera des eaux de ces torrents, les divisera, les captera, les confiera de force a une rigole qui les amènera à venir grossir le Sor près de la ligne de partage des eaux !

C'est ici que naîtra le canal ! Cela coule de source. L'idée s'enracine, il faut l'alimenter. Il faut tracer le lit du futur canal, et puis surtout évaluer son coût.

 

Quoi de plus naturel alors que de partir à la découverte du jeune canal de Briare, qui unit la Loire et la Seine, de s'enquérir de tous les obstacles franchis, de discuter avec les ingénieurs, d'examiner ces magasins capables d’emprisonner les eaux, de connaître avec précision le mécanisme des écluses.

Quoi de plus naturel que de construire dans sa propriété de Bonrepos, près de Verfeil, «les essais en petit de sa grande entreprise» : un modeste canal, deux bassins, un aqueduc, des digues, des écluses, des épanchons et même paraît-il une montagne percée !

Rien ne peut venir ébranler son intime conviction.

Ne soyez donc pas surpris qu'il s'adresse en ces termes à son ami Monseigneur d'Anglure de Bourlemont, Archevêque de Toulouse:

«Depuis un mois, je travaille pour la vérification du projet du canal, mais avec tant soin et d'exactitude qu'à cette heure, j'en puis parler savamment, et vous dire, en vérité, que la chose est possible :je vous en porterai les plans et les devis dans la dernière perfection, avec un calcul de ce que ce travail pourra coûter. J'ai passé partout avec le niveau, le compas et la mesure ; de sorte que j'en sais parfaitement les passages, le nombre de toises et des écluses, la disposition du terrain, s'il est pierreux ou gras, les élévations, et le nombre de moulins qui se trouvent sur les routes. Dans un mot, Monseigneur, je n'ignore plus rien de cette affaire là et le plan que j'en porterai sera juste, étant fait sur les lieux et avec grande connaissance (... )·»

 

A l'heure où l'eau de la montagne heurtait l'écluse de Matabiau, Riquet, l'Inventeur, repensait peut-être à son père qui aurait tant aimé qu'il soit homme de robe.

Nul ne peut dire si ce désir paternel puisait ses sources dans des prédispositions apparentes du jeune enfant ou bien si, plus vraisemblablement, la fonction avait les faveurs de son temps...

Guillaume Riquet n'avait peut-être pas imaginé que la nature avait gratifié son fils des moyens de convaincre son monde, et que durant toute une vie, il plaiderait pour Son canal! Parce qu'il est hanté par ce canal, possédé par lui, Riquet met tout en œuvre pour le réaliser.

Personne ne doit douter de la faisabilité de l'ouvrage ni de l'utilité pour le royaume d'un canal qui unira les mers. Il faut le dire au Roi, à ce monarque orgueilleux amoureux de la gloire, et lui prouver que lui aussi «A lui seul, il en vaut plusieurs»

 

Mais pour convaincre le Roi, il faut convaincre Colbert, Ministre, Surintendant des Bâtiments, Contrôleur des finances, «l'homme du nord».

Riquet sait être habile, il joue de modestie :

«Vous vous étonnerez Monseigneur que j'entreprenne de vous parler d'une chose qu'apparemment je ne connais pas et qu'un homme de gabelle vous parle de nivelage (...) n 'entendant ni grec ni latin et à peine sachant parler français, il n'est pas possible que je m'explique sans bégayer».

Il est conscient que la seule difficulté est relative à l' argent : «Monseigneur, s'il vous plaît de vous donner la peine de lire ma relation, vous jugerez qu'il est vrai que ce canal est faisable, qu'il est à la vérité difficile à cause du coût, mais que regardant le bien qui doit en arriver, l'on doit faire peu de considération de la dépense.»

 

Mais Riquet sait que l'argument qui convaincra Colbert est la gloire de Louis XlV:

«La facilité et l 'assurance de cette navigation fera que le détroit de Gibraltar cessera d'être un passage nécessaire, que les revenus du Roi d'Espagne à Cadix en seront diminués, et que ceux de notre Roi en augmenteront d'autant».

Quelle belle leçon!

Vraiment, Riquet a tout pour réussir: I'élégance et I'intelligence. Riquet sait fort bien que la réalisation d'un tel canal c'est remédier à la lenteur des trajets terrestres existants, éviter les pièges de bon nombre de brigands qui rendent chaque jour moins sûres les routes empruntées !

C'est épargner a nos navires qui relient Bordeaux à la Méditerranée les tempêtes des golfes, les canons Espagnols et les traquenards des barbaresques autour de Gibraltar !

 

C'est aider au développement de I'industrie, participer à I'enrichissement du pays par la production et I'exportation, accroître «la puissance et la grandeur de Sa Majesté et abaisser celle de ses ennemis envieux» !

 

Et Riquet a peut-être conscience que le décor est celui du Grand Siècle, I'époque où Colbert crée l'Académie des Sciences, I'âge d'or de la littérature, des Descartes, Corneille, Bossuet, Pascal, Molière, La Fontaine, Racine, Boileau, le temps où les artistes travaillent pour le Roi, c'est le Palais de Versailles, la colonnade du Louvre, l'Hôtel des Invalides...

 

 

Louis XIV est serein : «Tout le royaume est calme en tout lieu, ni mouvement ni crainte de mouvement dans le royaume qui puisse m 'interrompre et s'opposer à mes projets.....

Vous imaginez naturellement que lorsque Riquet va plaider son dessein à I'audience que lui a accordée Colbert, tout est réuni pour convaincre le royaume : la démonstration est parfaite, les arguments appellent les arguments, les explications amènent les plans, les évaluations les devis, le désir de persuasion force l’éloquence, l’éloquence la séduction ...

Et s'il faut un essai préalable, ce n'est pas un souci. Avec cette certitude qui nourrit les grands hommes, Riquet réalise la petite rigole qui devient la preuve irréfutable de la justesse des niveaux qu'il a longuement relevés et que les eaux du Sor peuvent couler jusqu'à Naurouze.

Il se propose même de la creuser a ses frais ne réclamant le remboursement qu’en cas de succès! Il n'est pas étonnant que le Roi ait résolu de faire exécuter «Le canal Royal du Languedoc» par ses soins par préférence à tous autres».

Au-delà de l'Edit royal annonçant la construction du Canal entre les deux mers les vers de Boileau résonnent doucement :

 

« J’entends déjà frémir les deux mers étonnées.

De voir leurs flots unis au pied des Pyrénées.»

Il faut maintenant réaliser le rêve. Et Riquet réalise le rêve. La nature lui commande alors de devenir entrepreneur en même temps que percepteur.

Le chantier est immense, c'est une armée en Languedoc ! 12 000 ouvriers dont 600 femmes répartis en 12 divisions chacune sous la surveillance d'un Inspecteur Général, et chaque division répartie en équipes de 50 sous les ordres d'un contremaître !

Riquet, toujours entre deux eaux, chevauche de chantiers en chantiers cette route royale qui va de Toulouse à Sète et de Sète à Toulouse. Il choisit et forme ses collaborateurs. En avance sur son temps, il mensualise le salaire de ses hommes, il paye les jours de fêtes et les dimanches, les jours d’intempéries et ceux de maladie.

 

Oui, Riquet c'est aussi la sécurité sociale avant l'heure.

Il fait construire des digues, des chaussées, des ponts, des réservoirs, des écluses, des moulins, des déversoirs, des aqueducs, des embarcadères, des batardeaux, des tunnels, des épancheurs ... Il abrite les rives naissantes de peupliers, d'ormeaux, de chênes, de mûriers, d'oliviers, de platanes, d'érables, d'acacias, de frênes... il ne craint même pas le Malpas, le «mauvais pas», et pour Son canal creuse dans la montagne d'Ensérune une percée de plus de 700 m...

Son canal, sera solide et beau, construit pour l'éternité. «Il faut achever l’œuvre ou mourir à la tâche. »

Et puisque la passion engendre des sacrifices, il sacrifiera sa fortune palliant les déficiences du Trésor Royal et de sa province du Languedoc.

La nature le fait financier, elle sait que ce n'est pas en vain qu'il a conçu le plus beau des projets ! Elle dessine à celui qui considère que «ces choses là» touchent sa «fantaisie» et son «inclination», une carrière d'ingénieur de travaux publics !

La plus grande entreprise de travaux publics en. Europe depuis la chute de l'Empire Romain! Quatorze années de travail. Quatorze années de travail effréné. «(...) les rochers se fendent, la terre ouvre son sein, les plus hauts monts descendent (...)»

«Et la mer bleue arrive au milieu des coteaux (...).»

 

Mais «Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage.

L'art est long et le temps est court...»

 

Tout comme Moïse, avec lequel il aimait à se comparer, Riquet est mort avant d'entrer dans la terre promise.

Il ne restait pourtant qu'une lieue à creuser jusqu'à l'étang de Thau ... La nature lui avait aussi donné un fils qui terminerait l’œuvre ...

« Soyez-en fiers, vous tous Languedociens ! - s'écriait Vauban - ce fleuve paisible, offert par Riquet a sa province et au Royaume, déjà le monde entier nous l'envie ! Quant à moi, je le proclame hautement devant vous tous : je donnerais volontiers tout ce que j'ai fait d'utile et tout ce qui peut encore m'être donné de faire pour avoir, moi, Vauban, l'audace d'une telle idée et le courage d'une telle réalisation».

L'ouverture solennelle de la navigation va avoir lieu sans lui, en ce jour du 18 mai 1681.

 

Ce n'est plus Toulouse mais Castelnaudary qui est en fête. La curiosité a laissé place à l'admiration. Vingt-trois barques de toutes nationalités s'apprêtent à former le cortège fluvial suivant la barque royale éclairée par six fenêtres vitrées et sur laquelle on a placé violons, hautbois et trompettes.

Derrière, la galiote du Sieur Riquet, Seigneur de Bonrepos. Elle aussi voguera sur le beau canal de son maître ...

Nous tentons souvent de comprendre, et c'est bien légitime, la raison qui habite ces grands hommes à croire en leurs desseins, de connaître l'endroit où ils puisent leur inébranlable détermination, de savoir ce qui forge leur certitude qui parfois nous effraie et parfois nous enchante.

Riquet était-il désireux de réaliser un rêve d'enfant ? Avait-il l'ambition d'être utile ou courait-il après la gloire ? œuvrait-il simplement pour l'amour de sa Patrie? Accomplissait-il un simple devoir d’état ? Ou bien était-il seulement passionné, obsédé, visionnaire ou prophète ?

Nul ne saurait le dire et c'est très bien ainsi.

«Je connais le fort et le faible de mon canal. Je puis vous dire avec toute vérité et certitude, qu'il sera plus beau et plus utile qu'on ne saurait se l’imaginer».

Riquet avait une fois de plus raison et l'Unesco l'a magnifiquement compris en lui offrant l’éternité.

Dans un demi sommeil, j'imaginais alors que le génial inventeur, faisant un pied de nez mérité à sa statue toulousaine, se tournait enfin pour toujours vers Son Canal... vers celui qu'il se plaisait à considérer comme le plus cher de ses enfants et qui est aujourd'hui devenu un peu le nôtre aussi.

 

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