La compétitivité de l'avocat dans l'Union européenne

les structures d'exercice: égalité des structures et de leurs fiscalités ?


Par Guillaume le FOYER de COSTIL
(CNA CONGRES DES ANTILLES 1996)

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Les règles juridiques et fiscales des structures d'exercice françaises, comparées à celles des autres pays de l'Union sont elles un atout ou un handicap pour le barreau de ce pays ? Vaste programme d'étude et de réflexion sur lequel le rapporteur, récemment désigné, n'a pu que constater l'absence de documentation synthétique au sein des diverses institutions représentatives de la profession.

Programme alléchant pour le responsable de la commission « grandes structures d'exercice » de la CNA et qui nécessite une réflexion préalable et coordonnée sur les forces sociales qui animent le barreau français comme le résultat de sa longue histoire.

La question de la concurrence au sein de l'Union entre les professions équivalentes à la nôtre se pose en termes d'établissement et de contrôle du capital des structures; et si elle concerne aussi la conquête des marchés étrangers par la création de bureaux secondaires plus ou moins lointains, les avocats français ont bien plus à redouter le dynamisme de leurs semblables, établis sur le territoire national, que les prestations librement fournies par leurs concurrents des autres pays depuis ceux-ci; la nature des services que nous rendons nécessite généralement une certaine proximité, géographique, linguistique et sociale.

Après avoir dressé un rapide bilan des facteurs économiques et sociaux cause d'une certaine infériorité des structures françaises (1) on donnera des exemples juridiques (2), fiscaux et sociaux (3) de ce qui les caractérise dans le cadre du sujet proposé.

1  Les causes historiques

Il n'y a de « structures » d'exercice en France que depuis un quart de siècle environ, et il n'y a de sociétés de capitaux que depuis 1992. Ce n'est pas le cas de certains nos voisins européens qui pratiquent le groupement d'exercice depuis plus d'un siècle; le résultat (ou l'origine) de cette expérience ancienne est la valorisation sociale de l'acceptation d'une discipline collective; il n'y a pas, outre-Manche, d'admiration pour la rébellion individuelle, même Churchill n'a pas fait exception à cette règle. Et beaucoup de nos voisins restent fascinés par la perfection d'une organisation sociale fonctionnelle.

L'image, très positive dans le public, de l'avocat pénaliste français exerçant individuellement, en rébellion permanente et contrôlée contre les institutions, soucieux de mener, en coordination avec une équipe de « journalistes d'investigation » une « défense de rupture » mettant en cause des notabilités, n'est évidemment pas de nature à favoriser l'émergence de structures disciplinées et organisées, désignées par une raison sociale durable.

Il en est de même de la structure émiettée de nos barreaux, qui favorise l'émergence de notabilités personnelles soucieuses de leur indépendance qui vont maintenir naturellement des règles professionnelles plus adaptées à l'exercice individuel qu'à  l'épanouissement de structures d'exercice collectives.

Enfin, la crainte d'une domination des cabinets d'avocats par les groupes d'audit comptable, très bien structurés en France depuis l'arrivée des entreprises américaines appelée par le plan Marshall, conduit naturellement nos responsables à repousser l'échéance inéluctable de l'interdisciplinarité complète, et prive les structures de certaines des possibilités d'investissements dont elles auraient eu besoin.

2
Aspects juridiques

La France serait elle devenue depuis l'entrée en vigueur des lois de 1990 le «  paradis » du droit des structures d'exercice, tout au moins aux yeux de nos concurrents européens? On peut se le demander; et si l'on interroge secrètement quelques responsables professionnels on s'aperçoit qu'ils cherchent longtemps avant de trouver, ailleurs que dans la fiscalité, des idées d'évolutions juridiques à revendiquer du législateur.

Et il est vrai que les évolutions réalisées par ces textes ont, pour l'essentiel, correspondu aux attentes de la profession; il faut dire que ses représentants, et spécialement ceux de la CNA, ont activement participé à l'élaboration des réformes. On se souviendra spécialement du rôle de la CNA dans la naissance en France de la société en participation.

Il reste pourtant quelques difficultés à régler dans le droit des structures d'exercice pour parvenir à leur donner une compétitivité effective en Europe:

Ainsi le droit des dénominations des structures d'exercice est il à repenser complètement; les mesures transitoires prises en 1990 pour permettre aux sociétés de conseil juridiques de conserver leurs dénominations sociales ont créé une inégalité de fait entre celles-ci et les autres groupements, qui ne peuvent assurer une pérennité effective à leur dénomination sociale, (constituée nécessairement en l'état des textes des noms patronymiques de leurs membres).

La réglementation de  l'exercice du pouvoir dans les groupements est à repenser complètement; combien de sanglants litiges entre associés pourraient être évités si, même de façon supplétive, il était proposé aux avocats des règles précises et adaptées relativement à la « direction » des structures.

Les règles de l'interprofessionalité et de la multidisciplinarié, paisiblement vécues outre-Rhin, doivent nécessairement évoluer, tant pour tenir compte de ce que sera en 1997 l'application effective par les Ordres de l'article 67 de la Loi (les dénominations de réseaux « non exclusivement juridiques »), que pour assurer aux structures d'exercice une indépendance réelle, sans laquelle l'usager du droit ne sera que mal servi.

.3 Aspects fiscaux et sociaux
Les avocats français, comme tous les professionnels libéraux, comme beaucoup de français actifs, sont écrasés de charges, sociales fiscales, en raison d'une trop grande « socialisation » des risques, qui conduit elle même à l'immobilité des structures; c'est une banalité.

Mais cette situation, égalitaire s'agissant du marché français, cesse de l'être lorsque les charges des uns se mesurent à celle des autres et lorsque les avocats des pays réellement « libéraux » peuvent consacrer à leur expansion les sommes que les avocats français versent au Trésor Public ou au régimes sociaux.

Lorsque les SCP ne pouvaient opter pour l'impôt sur les sociétés, leurs réserves se trouvaient imposées, de même que leurs investissements non amortis. Il en est longtemps allé autrement dans le reste de l'Europe, permettant aux avocats étrangers la constitution des réserves nécessaires à l'expansion internationale de leurs cabinets; un taux de TVA plus élevé conduit les avocats français, à réduire leurs honoraires lorsque certains de leurs clients ne récupèrent pas la taxe, et dès lors à consacrer moins d'argent à l'investissement productif.

Si l'on examine plus spécialement la fiscalité des avocats français, l'on constate aussi l'existence de facteurs d'inégalité en Europe: par exemple dans l'imposition des plus-values de cession des parts de sociétés d'exercice, ce qui conduit à les valoriser trop faiblement et à craindre la constitution de réserves, ou dans l'imposition des sommes consacrées à la constitution des indemnités de sortie des sociétés en participation, ce qui conduit à préférer les sociétés de capitaux et empêche le jeune barreau dynamique d'accéder rapidement à l'association.

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