Rapport au Comité d'Ethique

Contribution à une évolution des règles relatives à la communication publicitaire de l'Avocat

par

Christine SIGAUT CORNEVAUX

Guillaume LE FOYER DE COSTIL

Laurent RIBADEAU DUMAS

Anciens Membres du Conseil de l'Ordre

 

Il a été demandé au Comité d'Ethique et de Déontologie de se pencher une nouvelle fois sur la question récurrente de la publicité de l'avocat et spécialement sur les modes écrits de cette communication.

Les soussignés, qui ont travaillé sur le sujet dans une certaine urgence et dans le cadre technique d'une œuvre de collaboration, ont eu quelques difficultés à cerner précisément le sujet de leur réflexion.

Aussi proposent-t-ils au Comité d'Ethique, à qui ils soumettent un bref historique des règles de la publicité de l'avocat (1), de s'interroger plus précisément sur les modalités de la diffusion de la publicité faite par écrit et sur l'impossibilité de réguler quantitativement un tel mode de communication (2) ; ils lui proposent ensuite de réfléchir à une modification des dispositions parisiennes de l'article 10 du Règlement intérieur (3) ; ils lui soumettent enfin une réflexion de fond sur l'éthique de la publicité de l'avocat, matière riche en contradictions de toutes sortes (4)

1 - Histoire et évolution de la réglementation de la publicité de l'Avocat français :

" Toute publicité provoquée ou consentie ayant pour but ou pour résultat d'attirer l'attention du public sur leur personne, dans un intérêt professionnel, est interdite aux avocats… Le principe est que l'avocat doit s'abstenir de tout appel au plaideur sous quelque forme que ce soit. "

Ce texte des années 30 du siècle dernier apparaît désuet.

La notion de publicité des avocats a beaucoup évolué depuis lors.

Il semblerait cependant, au vu des questions encore posées à l'Ordre, que bon nombre de nos confrères parisiens ne s'en soient pas aperçus.

Un rappel de cette évolution est donc nécessaire.

La première évocation utile en l'espèce, en matière de publicité, se trouve dans l'article 66.4 de la loi du 31 décembre 1971 :

" Sera puni des peines prévues à l'article 72 quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité aux mêmes fins est subordonnée au respect de conditions fixées par le décret visé à l'article 66-6. "

L'article 72 de cette même loi prévoit des peines d'amende et/ou de prison.

Le décret visé à l'article 66.6 a été publié le 25 août 1972.

Il donne une définition du démarchage pratiquement identique à celle qui apparaît à l'article 10.2 du Règlement Intérieur (article 1 du Décret).

Il prévoit également que la publicité, en vue de donner des consultations, de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique, ne peut être faite par voie de tracts, lettres, affiches, films cinématographiques émissions radiophoniques ou télévisées (article 2).

Enfin, il précise que la publicité faite par quelque moyen que ce soit ne doit contenir aucune indication contraire à la loi et doit s'abstenir notamment de toute mention méconnaissant la discrétion professionnelle ou portant atteinte à la vie privée, toute publicité mensongère ou contenant des renseignements inexacts ou fallacieux étant prohibée (article 4).

L'évolution réglementaire ne reprendra qu'une vingtaine d'années plus tard, à la suite d'un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme du 25 mars 1985 (Barthold) sur lequel il convient de s'arrêter un instant.

La Cour y considérait, en se fondant sur l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, que l'interdiction faite en Allemagne aux vétérinaires de recourir à la publicité n'était pas proportionnée au but légitime poursuivi, ni nécessaire, dans une société démocratique, à la protection des droits d'autrui.

La Cour ajoutait que cette interdiction risquait de décourager les membres de ces professions.

Sur le fondement de cette décision et sur l'exemple des professions judiciaires des autres pays de l'Union Européenne, et en plein accord avec les instances professionnelles de l'époque, ont été adoptés par le Gouvernement les articles 161 et 162 du Décret du 27 novembre 1991 pris en application de la loi de fusion des professions juridiques du 31 décembre 1990.

Il y est affirmé clairement (article 161) que la publicité est permise à l'avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information, les moyens auxquels il est recouru à cet effet étant mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession et communiqués au Conseil de l'Ordre, tout acte de démarchage ou de sollicitation étant interdit à l'avocat.

L'article 162 de ce même Décret prévoyait que le Règlement Intérieur du Conseil de l'Ordre fixait les dispositions nécessaires pour assurer l'information du public quant aux modalités d'exercice de la profession par les membres de son Barreau.

Certains détracteurs prédisaient un ras de marée publicitaire. Force est de constater qu'à Paris, mais également dans la plupart des Barreaux français, la mise en œuvre de cette autorisation est demeurée restreinte.

S'agissant du Barreau de Paris, les textes qui explicitaient l'autorisation donnée par l'article 161 du décret du 27 novembre 1991 ont été adoptés dès décembre 1991 (article 5.4).

La jurisprudence a précisé les conditions dans lesquelles les avocats pouvaient faire de la publicité.

Deux décisions sont à mettre en exergue :

- Un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme en date du 24 février 1994 (Casado Coca) qui précise que l'article 10 de la Convention qui consacre le droit à la liberté d'expression est applicable à la publicité en général, et plus spécialement à la publicité des avocats.

- Un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 14 mars 1994, dont il faut citer certains passages :

" Les avocats sont des auxiliaires de justice et non pas de simples prestataires de services marchands… S'ils peuvent se faire connaître du public par des moyens publicitaires ce ne peut être, comme les marchands, pour développer l'activité et les résultats financiers de leur Cabinet mais seulement dans la mesure où la publicité mise en œuvre procure au public une information nécessaires… Les avocats peuvent en conséquence recourir avec discrétion cependant… à des moyens publicitaires pour faire connaître l'existence de leur Cabinet, leurs titres universitaires ou scientifiques, la spécialisation qui est la leur, voire l'ordre de grandeur de leurs honoraires, tous renseignements nécessaires pour que le public puisse opérer un choix… La publication du nom des clients habituels d'un avocat pourrait attester de sa plus ou moins grande notoriété… Cependant, si la notoriété d'un avocat peut constituer pour le public une information utile, l'utilité n'est pas synonyme de nécessité et il n'apparaît pas que les éléments de notoriété résultant de la divulgation de l'identité des clients habituels d'un avocat constitue pour le public une information nécessaire… Cette divulgation risquerait au surplus d'induire le public en erreur… La notoriété ne constitue pas aujourd'hui moins qu'hier un gage certain de qualité… L'utilisation à des fins publicitaires du nom de leurs clients habituels serait de nature à amoindrir cette indépendance… "

Le Barreau de Paris a adopté le 28 mars 1995 neuf résolutions qui étaient autant de réponses aux questions très concrètes les plus souvent posées à l'Ordre.

Le Conseil National des Barreaux, dans le cadre de sa mission d'harmonisation des Règlements Intérieurs, a classé la publicité comme sa septième matière et a précisé les conditions d'application de l'article 161 du décret du 27 novembre 1991.

L'actuel Règlement Intérieur du Barreau de Paris traite de la publicité dans son article 10.

Les grands principes sont maintenus.

La publicité personnelle de l'avocat est permise dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information.

Elle doit être véridique, respectueuse du secret professionnel et mise en œuvre avec dignité et délicatesse.

L'acte de démarchage ou de sollicitation est toujours une forme prohibée de publicité. Il convient de relever qu'a été ajouté - modernité oblige - un alinéa précisant que cette prohibition concerne les offres et propositions faites par " tous moyens techniques de communication à distance " ce qui n'était pas prévu dans le précédent texte qui ne visait que le support papier.

Le texte actuel confirme encore le précédent, prévoyant que sont prohibées toutes mentions laudatives ou comparatives, ainsi que toutes indications relatives à l'identité des clients. Cependant, à titre exceptionnel, une plaquette indiquant les noms de clients du Cabinet ayant donné leur accord peut être diffusée à l'étranger dans les pays dans lesquels une telle diffusion est autorisée.

Quelques modifications ou ajouts sont intervenus. Il en est ainsi de la notion de discrétion qui a disparu, car probablement en contradiction avec le principe même de publicité.

Il en est de même du principe de probité qui n'est plus mentionné, qui faisait double emploi avec les principes essentiels déjà mentionnés.

L'actuel Règlement Intérieur reprend expressément les termes du Décret de 1972 prohibant l'usage des tracts, lettres, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées, qui n'était pas mentionné dans le Règlement Intérieur précédent.

Il prévoit également que ne constitue pas une publicité prohibée l'organisation par un avocat de colloques, séminaires et de cycles de formation professionnelle, de même que la participation d'un avocat à un salon professionnel, reprenant en cela la jurisprudence de la Commission Publicité du Conseil de l'Ordre de Paris.

En ce qui concerne les plaquettes de présentation générale d'un Cabinet d'avocats, l'actuel Règlement Intérieur développe de façon précise les mentions autorisées et prohibées, étant entendu que cette plaquette doit simplement faire l'objet d'une communication, préalable à sa diffusion, à l'Ordre.

Elle pouvait et peut toujours faire l'objet d'un envoi à des non-clients, ce qu'ignore nombre de nos confrères parisiens. Il serait probablement opportun de le rappeler.

Enfin, une mention particulière est faite dans l'actuel Règlement Intérieur à la publicité par Internet. Elle doit se conformer aux règles fixées par l'article 161 du décret du 27 novembre 1991 et par le décret du 25 août 1972.

Les mentions autorisées sont celles qui ont été retenues pour les plaquettes.

Il est expressément prévu que l'avocat qui se propose d'ouvrir un site Internet doit en informer l'Ordre et lui communiquer les références du centre d'hébergement ainsi que les modalités d'accès au site.

2 - Quels destinataires pour la communication écrite de l'Avocat ?

Ainsi qu'on l'a rappelé, la publicité de l'Avocat est autorisée ; les conséquences de cette autorisation sont souvent mal comprises ; certains considèrent que le terme " publicité ", est principalement destiné à permettre la réalisation technique de documents à caractère publicitaire, c'est à dire vantant les mérites et les qualités de l'Avocat et de son Cabinet mais que, pour autant, la diffusion de tels documents doit rester circonscrite au cercle " connu " de l'Avocat, c'est à dire en pratique ses clients et ses Confrères.

La véritable lecture du texte conduit, au contraire, à admettre que les documents dont la liste a été donnée précédemment puisse être diffusés, non seulement au cercle des relations habituelles de l'Avocat, mais à celui de personnes ou d'entreprises dont il est inconnu, et dont précisément, il entend se faire connaître.

Une telle lecture des textes, lesquels se gardent bien de prendre parti sur la question, paraît la seule possible.

Le mot " publicité ", expressément employé dans le texte de l'article 161 du décret du 27 novembre 1991, sans autre précision, signifie que ce dernier doit être entendu dans son acception courante.

La publicité est :

" le fait d'exercer une action sur le public à des fins commerciales ; pour faire connaître un produit, un type de produits et l'inciter à l'acquérir " … " l'ensemble des moyens qui concourent à cette action " (Dictionnaire Le Nouveau Petit Robert v° publicité).

Selon la définition adoptée par la Directive n° 84/450/CEE du 10 septembre 1984 on entend par publicité :

" toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations ".

Une telle définition fait clairement entrer dans son champ l'activité de l'Avocat.

On aurait pu imaginer que la publicité de l'Avocat soit soumise au droit commun de la réglementation de cette technique de promotion des services ; le législateur, approuvé en cela par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme n'est pas allé jusque là, puisqu'il prévoit, (article 161 du décret du 27 novembre 1991 précité) que la publicité de l'Avocat n'est possible que dans la mesure où elle procure au public une " nécessaire information " ce qui le conduit à dire que les moyens auxquels il est recouru à cet effet doivent être mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession.

Ces termes contradictoires révèlent l'embarras qui était celui du rédacteur du décret, en 1991, qui savait bien qu'il agissait à complet contre-courant des usages de la profession.

Et même si ceux-ci ont évolué durant les 10 ans qui se sont écoulés depuis la promulgation du décret, il reste qu'une forte résistance à la diffusion des moyens de sa publicité par l'Avocat auprès des personnes qui ne sont pas ses clients (et qui sont donc souvent ceux des autres) est constatée.

En présence de cette situation équivoque, la pratique de la Commission de Publicité du Conseil de l'Ordre a été jusqu'ici d'agir au coup par coup, non sans risquer de donner des réponses variant trop d'une situation à l'autre, tout en tentant d'adapter les permissions, autorisations ou interdictions qu'elle édictait aux cas qui lui étaient soumis.

C'est ainsi que la Commission de Publicité, et même une fois le Conseil de l'Ordre en son entier (séance du 2 février 1999) ont autorisé l'insertion occasionnelle et même ponctuelle d'encarts dans des journaux annonçant l'installation ou l'existence d'un Cabinet d'Avocat, l'envoi en nombre de plaquettes publicitaires à une liste d'entreprises d'un secteur déterminé, et la diffusion en nombre de lettres d'information.

Mais il est certain que la Commission de Publicité n'a jamais été en mesure, jusqu'ici, de définir des règles précises et objectives relatives à la mesure de la diffusion, auprès de personnes qui n'étaient pas clientes d'un Cabinet d'Avocat, de documents publicitaires concernant celui-ci.

A l'époque où il existait (jusqu'en janvier 2001) un contrôle a priori de la publicité il était important que la Commission dispose de critères objectifs puisqu'elle était amenée, avant de donner son visa, à interroger l'Avocat qui projetait une action publicitaire sur la diffusion de celle-ci.

Les réponses qui étaient alors fournies étaient considérées la plupart du temps comme suffisamment " raisonnables " pour conduire à la délivrance d'un numéro de publicité sans autre forme d'enquête, aucun abus manifeste n'ayant été constaté à ce jour.

La situation est encore plus facile à gérer aujourd'hui pour la Commission de Publicité qui n'a à intervenir que lorsqu'elle est questionnée sur les principes applicables, ou saisie d'une plainte contre l'action publicitaire d'un Cabinet déterminé.

A ce jour, et à la connaissance des soussignés, si la Commission a été maintes fois saisie par des plaignants qui croyaient dénoncer de graves manquements déontologiques, parce qu'ils ignoraient la plupart du temps l'existence de l'article 161 du décret, il faut se rendre à l'évidence : le comportement de nos Confrères est dans ce domaine extrêmement raisonnable, soit qu'ils considèrent n'avoir pas besoin d'une diffusion trop grande de leur support, soit, plus vraisemblablement, qu'ils ignorent leurs droits.

De telle sorte que le Comité d'Ethique aura à s'interroger sur le point de savoir s'il lui est possible de définir, à cet instant, de façon objective, prévisible et transposable à tous les types d'exercice, des règles permettant aux membres de la Commission de Publicité de répondre précisément aux interrogations dont ils sont l'objet en matière de diffusion de documents publicitaires écrits.

Une suggestion avait été faite : proportionner la diffusion des documents d'un cabinet au nombre de ses associés : plus l'effectif d'un Cabinet serait nombreux plus il serait possible de diffuser d'exemplaires de la plaquette le concernant.

Mais une telle règle n'est pas satisfaisante : elle serait de nature à porter préjudice aux petits Cabinets dont chacun sait l'importance symbolique s'agissant de l'indépendance de l'Avocat.

Aussi, et sauf à obtenir du Gouvernement la modification des conditions posées par l'article 161 du décret, qui conduisent nécessairement à une appréciation subjective des caractéristiques de la publicité de l'Avocat, apparaît-il impossible de prévoir des règles objectives, puisque aussi bien ce sont des critères subjectifs que la loi propose.

Mais il importe que les autorités d'application de la loi aient suffisamment réfléchi à la problématique du sujet pour comprendre que son traitement subjectif ne peut être évité.

3 - la question de la liberté d'expression de l'avocat

Les soussignés ont analysé les dispositions qui figurent dans le Règlement Intérieur du Barreau de PARIS sur la possibilité pour un avocat de s'exprimer publiquement, ce qui, pour ce dernier, est l'une des formes indirectes de la publicité.

Les dispositions " parisiennes " du Règlement Intérieur du Barreau de PARIS (article 10.13.P) rappellent que l'avocat peut s'exprimer librement dans les domaines de son choix, et suivant les moyens qu'il estime appropriés, mais qu'il doit en toute circonstance faire preuve de délicatesse particulièrement lorsque sa qualité d'avocat est connue.

Ce texte rappelle que l'avocat doit s'interdire toute recherche de publicité contraire aux dispositions du décret, notamment le démarchage ou la sollicitation.

De fait, l'intervention de l'avocat sur les médias est de plus en plus courante, et il n'est pas inutile de rappeler que l'avocat doit y intervenir dans les conditions identiques de délicatesse et de compétence.

Pourtant, les dispositions du Règlement Intérieur du Barreau de PARIS précisant que ces interventions publiques ne peuvent avoir qu'un caractère exceptionnel et que l'avocat en informe le Bâtonnier, sont des dispositions parfaitement désuètes et tout à fait inapplicables, étant souligné qu'elles sont totalement inappliquées.

Ce texte apparaît particulièrement désuet et mal venu or il n'est pas raisonnable de conserver des textes et de prescrire des obligations que personne ne respecte.

C'est dévaloriser une institution que lui laisser édicter des interdits qu'elle est parfaitement incapable de faire respecter.

Il est plus opportun d'admettre qu'effectivement, en matière de publicité, le recours à la prise de position publique et médiatique est l'un des moyens les plus répandus aujourd'hui dans une Société totalement médiatisée et il convient seulement de rappeler aux avocats qui seront et sont de plus en plus sollicités leurs règles déontologiques et professionnelles.

L'intervention du Bâtonnier ne peut venir qu'a posteriori et seulement en cas de violation de ces dispositions disciplinaires.

Il conviendra dès lors de modifier le dernier paragraphe de l'article 10.13.P du RIP en supprimant l'obligation de demande d'autorisation préalable, et se borner à rappeler les règles de prudence et de délicatesse.

4 - Conclusion

Nombre de confrères restent parfaitement ignorants de l'existence d'une autorisation de recours à la publicité en dépit des textes déjà maintenant anciens et qui sont intégrés, tant dans le Règlement Intérieur du Barreau de PARIS que dans le RIH, ce qui ne peut manquer de surprendre.

Des courants libéraux ont poussé à cette législation, en cherchant en même temps à définir les conditions d'un recours " honorable " à la publicité, mais il est incontestable que ce refus viscéral, persistant, résulte du fait que beaucoup d'avocats, considèrent toujours leur activité comme devant se placer en dehors du marché, quand bien même les règles économiques s'imposeraient à eux.

En effet, les avocats ne sont pas les marchands de droit dont la prestation n'est qu'un produit intellectuel comme un autre, puisque leur activité participe, de la paix sociale, du contrôle et du respect de la règle, à l'égard de l'individu, ils participent enfin au respect des libertés publiques.

Ramener cette activité à une simple et unique activité marchande c'est lui retirer toute sa dimension sociale et spécifique.

Or, la publicité, par son essence même, a pour fonction fondamentale de pousser le consommateur à faire le choix d'un produit plutôt qu'un autre, non pas à partir de ses qualités intrinsèques, mais essentiellement à partir d'éléments et de considérations subjectifs et parfois même irrationnels.

Il n'est qu'à étudier les implications psychologiques et les méthodes de communication utilisés par les publicitaires pour voir que tous les messages sont axés sur la présentation de la forme.

La publicité est une démarche qui insiste sur le paraître et qui vend l'emballage plutôt que le produit.

A produit égal, c'est l'emballage qui l'emporte !

Il y a alors une contradiction fondamentale entre les règles habituelles de la publicité, et la réglementation qu'essayent d'y apporter les instances ordinales dans la mise en œuvre du décret.

Rappeler que la publicité est autorisée à l'avocat exclusivement dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information, qu'elle doit par ailleurs être véridique, respectueuse du secret professionnel et mise en œuvre avec dignité et délicatesse, se faire dans l'interdiction formelle du tout démarchage, met en œuvre des règles contraires aux fondements même de publicité et explique les grandes difficultés dans lequel se débattent les instances ordinales.

On a ainsi cherché à intégrer un mécanisme mercantile dans une activité qui ne l'est pas comme cela s'est fait dans d'autres domaines de notre activité, sous prétexte de loi du marché, alors qu'une création originale aurait pu être possible, et éviter les confusions.

En effet, pour les avocats, la démarche est différente, lorsqu'il s'agit de l'information légitime du public, de la nécessité de faire connaître aux clients potentiels la réalité des compétences, de la formation ainsi que de la capacité structurelle à traiter tel dossier.

Cette information peut s'avérer aujourd'hui indispensable, compte tenu de l'évolution de la concurrence, des nécessités dans certains domaines, comme les appels d'offres, de pouvoir préciser les conditions d'exercice et les modes d'intervention.

Mais la difficulté ne vient-elle pas de ce que l'on utilise une méthode d'information qui ne correspond pas à la réalité psychologique et sociale du rôle de l'avocat ?

Dans tous les textes rappelant que la publicité est autorisée, toutes les restrictions renvoient soit aux sanctions pénales en cas de démarchage, soit aux règles de délicatesse, de discrétion, de dignité et de probité.

Toutes règles et définitions qui sont par essence contraires aux lois de la publicité.

Dès lors, faute de véritable définition et de règles spécifiques claires applicables aux avocats, les conseils se débattent dans les cas d'usage de publicité à des solutions au cas par cas sans définir, de façon précise les règles applicables ce qui entraîne nécessairement à l'arbitraire.

Chaque décision est en définitive rendue suivant la personnalité de l'intéressé ou l'importance de sa structure dans les conditions des plus inégalitaires qui soient, puisqu'elle se fonde en définitive sur les opinions des uns et des autres, et sur la philosophie du Conseil de l'Ordre concerné.

Il est incontestable que l'on ne peut sanctionner sans texte précis, et que les avocats se trouvent dans une très grande instabilité risquant de surcroît de se voir sanctionner a posteriori, puisque la demande préalable n'est pas prévue.

Il est indispensable d'admettre que les règles de fonctionnement peuvent être tout à fait originales et spécifiques sans pour autant entraver la liberté d'information, et de définir avec précision les notions de nécessaire information du public, sans être traité de passéiste.

Mais est-ce vraiment possible ?

C'est la question à laquelle le comité d'Ethique doit répondre

Paris le 14 mai 2002