LA PUBLICITÉ DE L’AVOCAT

Rapport au comité d'Ethique et de déontologie du Barreau de Paris présenté en 1999

par Jean-Yves Dupeux, Laurent Ribadeau Dumas et Guillaume le Foyer de Costil

Courant 1998 il a été demandé au comité d’éthique et de déontologie de participer à “ une nouvelle réflexion sur la publicité de l’avocat ” destinée à aider le Conseil de l’Ordre dans son action régulatrice, et à moderniser, en les adaptant à l’évolution des esprits et de la concurrence, les pratiques du Barreau.

L’actualité de cette réflexion s’est d’ailleurs trouvée renforcée par une demande présentée début 1999 au Conseil de l’Ordre en application des dispositions de l’article 5.4.4 du règlement intérieur, relative à une publicité imaginée par un cabinet d’avocat disposant de bureaux à l’étranger et destinée à être insérée dans un grand quotidien du soir ainsi que dans un journal économique.

  L’examen de la question soumise au comité d’Ethique nécessite un bref rappel historique destiné à placer le sujet dans son contexte (1), une première réflexion sur le contenu possible de la publicité de l’avocat au regard des textes en vigueur et de l’évolution des mœurs (2) et une interrogation sur les procédures relatives au contrôle de cette publicité, qu’il ait lieu antérieurement ou postérieurement à celle-ci (3).

  Le présent rapport ne traitera pas de la communication de l’avocat, régie par les dispositions de l’article 5.3 du Règlement intérieur, qui permet à l’avocat de s’exprimer librement sur les sujets de son choix ni de la publicité fonctionnelle de l’Ordre.

  Il n’abordera pas non plus la question de la déontologie de l’Avocat face aux médias, sur laquelle l’un des soussignés (Guillaume le FOYER de COSTIL), a établi un rapport distinct, cette question étant étrangère à la matière de la publicité de l’avocat, même si elle en est proche.

 

1. Historique

  On présente ici avec un commentaire critique les étapes essentielles de l’évolution des règles relatives à la publicité de l’avocat. Un historique beaucoup plus complet figure dans le rapport de l’un des soussignés, Laurent RIBADEAU DUMAS ; le lecteur est invité à s’y reporter.

  Antérieurement à la mondialisation de l’économie, l’état du marché du droit et le recrutement social de l’avocat avaient placé celui-ci à l’abri de toute inquiétude économique.

  Sa position sociale conférait à l’avocat une réelle et utile indépendance à l’égard de ses clients, (contre qui il s’interdisait notamment de recouvrer ses honoraires en justice) ; cette indépendance farouche, étroitement liée à une image sociale patricienne, était évidemment exclusive de toute recherche de clientèle, et, dès lors, de tout moyen ayant pour finalité avouée la recherche explicite de clients, comme la publicité.

  L’ouverture de nos frontières à des professionnels du droit structurés, ayant réalisé de lourds investissements, a conduit les avocats français à rechercher un véritable équilibre économique et, dès lors, à l’organisation principalement défensive d’une véritable concurrence à l’échelle européenne et même mondiale.

  La paupérisation de la profession, née des facteurs précités et d’une trop large ouverture de celle-ci malgré la stagnation du marché, a conduit les avocats à mettre au point des tactiques réfléchies de recherche de clientèle nécessitant cette fois la mise en œuvre d’une véritable publicité.

  L’évolution réglementaire s’est produite à partir d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 25 mars 1985 (BARTHOLD).

  La Cour a considéré, se fondant sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, que l’interdiction faite en Allemagne aux vétérinaires de recourir à la publicité “ n’était pas proportionnée au but légitime poursuivi ”, ni “ nécessaire dans une société démocratique à la protection des droits d’autrui ”.

  la Cour estimait, dans un arrêt confus mais explicite, à propos de l’interdiction de la publicité faite à cette profession libérale, que “ son application risque de décourager les membres de ces professions de contribuer à la discussion publique des questions concernant la vie de la collectivité, pour peu que pareille contribution ait des chances de passer pour produire quelque effet publicitaire ; par là même elle est de nature à entraver la presse dans l’accomplissement de sa mission d’information et de contrôle ”.

  C’est à la fois sur le fondement de cette décision, et sur l’exemple des professions judiciaires de autres pays de l’Union Européenne qu’en plein accord avec les instances professionnelles de l’époque, ont été adoptés par le gouvernement les articles 161 et 162 du décret du 27 novembre 1991, pris en application de la loi de fusion des professions juridiques du 31 décembre 1990 :

  Article 161 : “ la publicité est permise à l’avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information. Les moyens auxquels il est recouru à cet effet sont mis en œuvre avec discrétion de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession et communiqués au conseil de l’ordre.

Tout acte de démarchage ou de sollicitation est interdit à l’avocat ”

Article 162 : “ le règlement intérieur du conseil de l’ordre fixe les dispositions nécessaires pour assurer l’information du public quant aux modalités d’exercice de la profession par les membres de son Barreau ” 

  Force est de constater que, dans la plupart des barreaux français, l’application de ce texte a été très restreinte ; les raisons de la timidité de l’avocat dans l’utilisation de la publicité sont multiples et seront examinées plus loin.

S’agissant du barreau de Paris, les textes qui explicitent l’autorisation donnée par l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 ont été adoptés en décembre 1991. Ces textes, regroupés dans l’article 5.4 du règlement intérieur seront aussi examinés plus loin.

  Le barreau de Paris, sur le rapport de l’un des soussignés, Laurent RIBADEAU DUMAS, a adopté le 28 mars 1995 neuf résolutions qui sont venues également préciser les dispositions du décret du 27 novembre 1991.

  Doit aussi être cité l’arrêt de la CEDH du 24 février 1994 (et donc postérieur au décret du 27 novembre 1991) qui sanctionne le conseil de l’ordre des avocats de Barcelone pour avoir poursuivi un avocat qui avait fait publier des annonces publicitaires dans plusieurs numéros d’un bulletin d’une association de résidents de quartier (affaire CASADO COCA).

  La Cour considère dans sa décision que rien ne permettait de penser que l’annonce publiée par l’avocat en cause était susceptible d’induire en erreur les lecteurs du bulletin et de porter atteinte à la réputation ou à la dignité de l’un quelconque des membres du Barreau de Barcelone.

  Le Conseil national des Barreaux, dans le cadre de sa mission d’harmonisation des règlements intérieurs, a classé la publicité comme sa septième matière, et précisé encore dans le règlement intérieur harmonisé les conditions d’application de l’article 161 du décret du 27 novembre 1991.

  On ne peut enfin passer sous silence l’ancien décret du 25 août 1972 relatif à la publicité en matière d’actes juridiques, toujours en vigueur malgré la contradiction qu’il contient au décret de 1991 ; on l’examinera plus loin.

  2. Le contenu de la publicité de l’avocat

Il s’agit du message publicitaire lui-même (2.2) et de ses vecteurs (2.3). Préalablement, une réflexion générale en forme de proposition d’explication sur la résistance du barreau à l’application des textes est nécessaire (2.1).

  2.1 les opposants

  L’avocat, pourtant très imaginatif lorsqu’il est au service de ses clients, reste très fortement attaché à celles de ses coutumes qui lui renvoient de lui-même une image sociale flatteuse ; cette image positive est fortement véhiculée par le public, qui place le plus souvent de grands espoirs de promotion sociale dans l’accès à la profession.

  L’obsession de la dignité et de la délicatesse, vertus essentiellement patriciennes, se rattache, plus qu’à tout autre chose, au désir forcené de l’avocat de rester membre de cette classe sociale supérieure idéalisée.

  Et si l’indépendance de l’avocat en est bien une vertu primordiale, en ce qu’elle lui permet de jouer pleinement son rôle de conseil extérieur dans l’ordre économique, on ne peut s’empêcher de penser que l’attachement des avocats à ce principe essentiel se rattache aussi à la même obsession.

  C’est pourquoi l’avocat qui tente de se placer raisonnablement dans l’ordre économique par des méthodes commerciales usuelles dans d’autres secteurs de l’économie se voit opposer un rejet qui s’exprime dans des comportements sociaux hostiles.

  Certains des arguments des détracteurs de la publicité (essentiellement du type : “ quand les bornes sont dépassées il n’y a plus de limites....ce n’est pas convenable....si l’on permet ça on va tout permettre... ”) sont de nature corporatiste et ne prennent pas en compte l’intérêt général.

  L’article 161 du décret du 27 novembre 1991, contrairement à la plupart des textes organisant la profession d’avocat n’avait pas pour objet de constater l’existence d’un usage établi ni de consacrer une coutume mais de conduire la profession à en adopter de nouvelles, ce à quoi elle était foncièrement opposée.

  Le résultat est que le public, et une très forte majorité d’avocats, ignorent encore que la publicité est permise ; il suffit pour s’en convaincre de lire les plaintes reçues au Conseil de l’Ordre, ou les commentaires qui ont accompagné la décision trop solennellement rendue par le Conseil en janvier 1999, dont on a parfois dit curieusement qu’elle permettait la publicité à l’avocat, alors qu’elle ne faisait qu’en préciser les limites.

  Il semble en fait que les instances professionnelles, lorsque le décret a été adopté en concertation avec elles, n’aient admis le principe de la publicité que moyennant une sorte de quiproquo sémantique que vient seulement de clarifier le Conseil national des barreaux dans ses propositions ; l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 recelait en réalité une dose considérable de non-dits sur le sujet traité ; cela explique l’émotion que, de façon très anormale, a produit la demande d’autorisation présentée au conseil de l’ordre en décembre 1998 ; il semble en réalité que beaucoup des membres de la profession qui ont admis la publicité en 1991 aient cru que celle-ci devait être réservée aux seuls clients de l’avocat (ce qui était déjà une nouveauté), et n’aient pas imaginé qu’elle pourrait atteindre les clients des autres, alors qu’elle est principalement destinée à un public non encore client !

  Une autre catégorie d’opposants a une publicité trop libérale développent une argumentation fondée sur la nécessité pour les instances professionnelles de faire respecter une sorte d’égalité des chances entre les avocats.

  Il est soutenu que, comme la robe (au moins lorsqu’elle n’est pas ornée de décorations) qui dissimule une inégalité vestimentaire potentielle susceptible de porter atteinte à l’égalité professionnelle, l’interdiction ou la limitation très forte de la publicité aurait la vertu de brider la puissance économique des avocats les plus dynamiques et donc de protéger les plus faibles.

  Cet argumentaire, qui a sur le précédent la vertu d’être construit, et de mettre en œuvre des principes moraux, mérite attention. Il reste qu’il est en contradiction avec les principes essentiels du libéralisme économique qui fondent la société moderne et le principe quasi-constitutionnel de transparence qui sert généralement l’intérêt public.

  On peut aussi se demander s’il ne révèle pas, chez ceux qui le développent, une certaine jalousie à l’égard de ceux qui “ osent ” faire de la publicité, et risquent de ce fait de prendre des clientèles durement acquises.

  Mais, le droit positif résultant du décret du 27 novembre 1991 étant fixé, l’objet du présent rapport n’est pas de s’interroger sur la validité des limites posées par le législateur, mais seulement sur leur étendue afin d’aider le conseil de l’ordre à en définir les contours.

 

2.2 Le message publicitaire

  La 8e résolution du conseil de l’Ordre sur la publicité personnelle de l’avocat votée le 28 mars 1995 est ainsi conçue : “  Les plaquettes descriptives d’un cabinet d’avocats peuvent être diffusée au-delà des clients de ce cabinet dans le respect du règlement intérieur. ”

  Le fait que le conseil de l’Ordre ait délibéré en 1995 sur le point de savoir si les plaquettes descriptives d’un cabinet d’avocat pouvaient être diffusées à des tiers alors que l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 autorise expressément la publicité de l’avocat montre l’étendue du malentendu.

  Il semble cependant dissipé puisque le Conseil national des barreaux, dans les propositions que sa commission d’harmonisation des règlements intérieurs va soumettre à son assemblée générale, semble maintenant clairement admettre que la publicité de l’avocat s’adresse au public en général.

  La profession a en fait peu réfléchi sur le contenu souhaitable du message publicitaire, laissant opportunément à chaque cabinet l’initiative de révéler les informations qui paraissent utiles à sa promotion. Il suffit ici de préciser que les Conseils de l’Ordre ont principalement à vérifier l’exactitude et la sincérité des informations fournies, les manquements pouvant tout aussi bien résulter d’omissions que d’affirmations erronées.

  La vraie question sur laquelle il appartient au conseil de l’Ordre de réfléchir dans le cadre de sa mission de régulation est celle de la nécessaire information du public, exigence posée expressément par le décret, l’information fournie étant susceptible, en raison de l’étendue de sa diffusion de ne plus revêtir le caractère restrictif de nécessité exigé par le texte.

  Au surplus le choix des informations susceptibles d’être communiquées est primordial ; le caractère nécessaire du renseignement susceptible d’être communiqué est toujours discutable.

  Le public s’estime généralement mal informé sur les avocats. Mais la plupart du temps il ne comprend pas leur utilité sociale et estime que les problèmes que les avocats résolvent devraient l’être soit par l’État soit par les intéressés eux-mêmes normalement aptes à se diriger dans la complexité sociale.

  Il importe donc que l’avocat informe le public sur l’utilité qui peut être la sienne dans les divers domaines économique ou sociaux ; ce devrait être le message publicitaire principal qui permettrait à la profession de sortir du ghetto dans lequel les feuilletons télévisés l’ont enfermée.

  Par ailleurs, le public s’estime aussi mal informé sur les conditions dans lesquelles il peut-être recouru aux services d’un avocat.

  Il apparaît donc nécessaire qu’une information parfaite soit donnée sur l’organisation des cabinets, sur les méthodes de travail qui y sont employées, sur la disponibilité des avocats à son égard et, surtout, sur les conditions financières de l’intervention des professionnels du droit ; et il apparaît tout aussi nécessaire de renseigner le public sur la seule existence d’un cabinet d’avocats.

  Mais il est évident que, s’agissant d’une profession en pleine évolution, le public ne sera jamais assez informé ; toute précision susceptible de lui être fournie sur le sujet ne peut que lui être utile, et donc nécessaire.

  C’est donc plutôt sur des critères quantitatifs que devra s’appliquer la mission régulatrice des conseil de l’Ordre (nombre d’exemplaires diffusés ou répétition des messages publicitaires etc.), concepts qui seront examinées plus loin.

  Deux questions pratiques restent cependant à préciser s’agissant du contenu du message publicitaire :

 

Þ Peut-on faire état d’activités sans lien avec l’exercice professionnel ?

  Dans la mesure où ces activités peuvent révéler la bonne connaissance d’un milieu économique ou professionnel, on ne voit pas pourquoi on interdirait à l’avocat de faire mention d’activités étrangères à son exercice.

  Cependant les propositions du Conseil national des Barreaux vont en sens inverse.

 

Þ La question de la mention du nom des clients est à la fois récurrente et importante.

  En effet, et spécialement dans les procédures d’appel d’offres, il est souvent demandé la mention du nom des clients pour permettre à l’autorité qui attribue le marché de ne faire travailler que des cabinets expérimentés.

  La mention du nom des clients se heurte à la règle du secret professionnel, ainsi que l’a rappelé la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 14 mars 1994 :

 

 “ Que cependant, si la notoriété d’un avocat peut constituer pour le public une information utile, l’utilité n’est pas synonyme de nécessité et il n’apparaît pas que les éléments de notoriété résultant de la divulgation de l’identité des clients habituels d’un avocat constituent pour le public une information nécessaire, c’est-à-dire sans laquelle il ne pourrait choisir le professionnel auquel il va demander conseil ou auquel il va confier sa défense.

 

Que ces divulgations risqueraient au surplus d’induire le public en erreur ; que d’une part la notoriété ne constitue pas, aujourd’hui moins qu’hier, un gage certain de qualité ; que d’autre part le client peut avoir recours à plusieurs avocats de spécialisation différente en fonction de la nature différente des litiges auxquels il doit faire face. De sorte que l’avocat d’une entreprise de transport pourrait par exemple donner l’image d’un spécialiste du droit des transports alors qu’il n’assisterait cette entreprise que dans le domaine du droit social.

 

Attendu en outre que le statut d’auxiliaire de justice qui seul justifie les prérogatives des avocats, suppose que ceux-ci jouissent par rapport à leurs clients d’une large indépendance.

 

Que l’utilisation à des fins publicitaires du nom de leurs clients habituels serait de nature à amoindrir cette indépendance dès lors que l’accord desdits clients serait indispensable

 

Attendu qu’il apparaît ainsi que les principes qui gouvernent la profession d’avocat comme les dispositions de l’article 161 précités ne permettent pas aux avocats d’utiliser un tel moyen.” 

  Le Conseil de l’Ordre, dans les résolutions prises le 28 mars 1995, a cependant autorisé l’indication de l’identité des clients sous réserve de l’accord préalable de ceux-ci, dès lors qu’il s’agit de répondre à des appels d’offres.

  Le Conseil national des Barreaux n’admet une telle possibilité que pour les appels d’offres effectués à l’étranger et dans les pays dans lesquels une telle diffusion est autorisée.

 

2.3 les moyens de la publicité

  Une fois posés les principes relatifs aux informations que l’avocat peut diffuser à son propos à des fins publicitaires il est nécessaire de s’interroger sur les moyens auxquels il peut recourir pour effectuer cette publicité, dans le respect des principes énoncés par le décret :

 

- ne pas porter atteinte à la dignité de la profession

 

- les mettre en œuvre avec discrétion.

  L’idée que l’avocat ne peut agir qu’avec dignité et discrétion se rattache en fait à l’exigence déjà exprimée que ce professionnel doit nécessairement appartenir à une classe sociale déterminée dont les membres se comportent précisément avec discrétion et dignité

 

Est-ce à dire que le législateur a estimé que l’indépendance de l’avocat passait pas sa domination sociale ?.

  Une telle conception est manifestement en contradiction avec les principes républicains d’égalité et de liberté d’expression ; de telle sorte qu’il apparaît utile de recommander aux autorités chargées du contrôle de la publicité de ne s’attacher qu’à la sincérité et à l’utilité du message et de n’entrer qu’avec prudence dans l’appréciation forcément contestable de la dignité.

  Quant à la discrétion, qui est une vertu personnelle, elle paraît complètement incompatible avec la notion même de publicité qui fait appel à la méthode des signes distinctifs ; de telle sorte que, sauf à tomber dans l’arbitraire et le subjectif, on ne peut recommander à l’autorité régulatrice qu’une sage prudence s’agissant de la mise en œuvre de ce principe.

 

C’est à ce stade qu’il convient d’étudier les dispositions de l’article 66.4 de la loi du 31 décembre 1971 qui dispose :

  “ Sera puni des peines prévues à l’article 72 quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité aux mêmes fins subordonnée au respect des conditions fixées par le décret est visé à l’article 66 - 6 .”

 

L’article 66.6 renvoie au décret du 25 août 1972 relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d’actes juridiques :

 

“ Article 1er : constitue un acte de démarchage au sens de l’article 66.4 de la loi du 31 décembre 1971 le fait d’offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger les actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d’un contrat aux mêmes fins notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d’une personne soit sur les lieux de travail, de repos, ou de traitement ou dans un lieu public.

 

Article 2 : la publicité en vue de donner des consultations de rédiger des actes ou de proposer son assistance en matière juridique ne peut être faite par voie de tracts lettres affiches et films cinématographiques émissions radiophoniques ou télévisées

 

Article 3 : les dispositions de l’article 2 ne sont pas applicables aux administrations et services publics, aux associations, syndicats professionnels et autres organismes à but non lucratif et ne sont pas applicables non plus aux entreprises qui fournissent des renseignements informations ou prestations de services comportant à titre accessoire ou incident des renseignements d’ordre juridique

 

Article 4 : la publicité faite par quelque moyen que ce soit aux fins mentionnées à l’article 2 ne doit contenir aucune indication contraire à la loi et doit s’abstenir notamment de toute mention méconnaissant la discrétion professionnelle ou portant atteinte à la vie privée. Toute publicité mensongère ou contenant des renseignements inexacts ou fallacieux est prohibée. ”

 

On ne peut expliquer que par une négligence du législateur le fait que la profession d’avocat ne soit pas citée au nombre des exceptions prévues à l’article 3 du décret.

  En effet l’autorisation donnée à l’avocat par l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 n’a de sens que si l’avocat peut aussi informer le public sur son activité juridique.

  On ne relève d’ailleurs pas de poursuites dirigées contre des avocats sur le fondement de ce texte.

 

En revanche certains des moyens exclus par le texte le sont aussi par les propositions de la commission d’harmonisation du Conseil national des barreaux qui s’en est manifestement inspirée.

  C’est ainsi que se trouve clairement exclu le recours à la publicité par la télévision, la radio et l’affichage dans les rues, la diffusion directe ou par des tiers d’éléments publicitaires dans un lieu public et la distribution de tracts.

 

On reste perplexe en face de l’interdiction énoncée par l’article 2 du décret du 25 août 1972 qui prohibe la publicité en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique par voie de lettres, alors surtout que se trouvent exclues de la prohibition les entreprises qui fournissent des renseignements informations ou prestations de services comportant à titre accessoire ou incident des renseignements d’ordre juridique.

  Bien que le texte pénal ne soit pas mis en œuvre, s’agissant des lettres envoyées par les avocats à leurs clients, il serait prudent qu’un amendement de coordination soit obtenu de la chancellerie à la première occasion.

  D’autres moyens ont été proposées à des avocats ou par des avocats au conseil de l’Ordre comme vecteurs de leur publicité :

 

- Création de papeterie (crayons, stylos, règles, gommes au nom du cabinet et laissés à la disposition des visiteurs ou du public).

 

- Autocollants portant le nom du cabinet, pin’s, tee-shirts, briquets au nom du cabinet, prospection téléphonique, parrainage d’événements sportifs, apposition du nom du cabinet sur des voiles de bateaux, des carrosseries de voitures de course, ou des casques de moto.

  Tous ces moyens sont aujourd’hui prohibés (bien qu’il semble que certaines autorisations aient été données dans des conditions excluant toute concertation véritable). Certains d’entre eux pourraient cesser de l’être si le conseil de l’Ordre estimait qu’il sont devenus, par l’évolution des mœurs, ou à cause de la concurrence de professions voisines pratiquant le droit à titre accessoire, conformes à l’obligation de discrétion ou de dignité ;

  Quatre moyens sont aujourd’hui plus couramment utilisé par les avocats parisiens, en conformité avec les règles de dignité et de discrétion ; les règles qui encadrent leur utilisation pourraient cependant être assouplies si le Conseil l’estimait utile :

 

les annuaires

  A leur égard, les résolutions du conseil de l’Ordre du 28 mars 1995 disposent:

 

“ En ce qui concerne les annuaires téléphoniques, support papier ou Minitel, peuvent figurer :

 

Dans la liste  alphabétique des avocats les mentions prévues aux articles 5.5.1 à 5.5.3 du règlement intérieur

 

Dans la liste des spécialités les avocats ayant régulièrement obtenu de l’EFB leur certificat de spécialisation. La spécialisation étant attribuée personnellement à un avocat elle ne saurait bénéficier collectivement à plusieurs avocats même exerçant au sein d’une structure commune. Un avocat figurant dans la liste des spécialistes de l’annuaire téléphonique peut figurer dans la liste alphabétique des avocats

 

Il est rappelé qu’un avocat ou un cabinet d’avocat peut figurer dans l’annuaire du département où se trouve son cabinet principal et dans celui où se trouve son cabinet secondaire régulièrement autorisé avec dans ce dernier cas l’aval du bâtonnier local

 

Il ne peut être fait aucune autre publicité dans les annuaires téléphoniques quels qu’ils soient que celles résultant des précédents paragraphes

 

En ce qui concerne les annuaires professionnels ainsi que les annuaires catégoriels la publicité est possible si elle ne contrevient pas au règlement intérieur ”

 

Le conseil est aujourd’hui libre de modifier ces règles en admettant que dans les annuaires téléphoniques pourraient figurer d’autres mentions que celles qui sont actuellement autorisées (encadrés, caractères spéciaux, etc..).

  Ils faut remarquer que certains barreaux voisins du barreau de Paris ont une politique beaucoup plus libérale dans ce domaine.

 

 

les lettres d’information

 

Il en existe plusieurs types :

 

on peut distinguer les lettres mensuelles d’information technique qui sont à l’en-tête du cabinet de l’avocat rédacteur et qui résument textes doctrine et jurisprudence récentes dans le domaine du droit de prédilection de l’avocat.

  De telles lettres semblent se situer hors du champ d’application du décret du 25 août 1972 et paraissent en outre devoir être encouragées ; à la condition qu’elles soient bien rédigées par le signataire du texte et non réalisée par des prestataires de services extérieurs comme des publicités paraissant dans des journaux professionnels le proposent aux avocats.

 

Il existe aussi les lettres dites catégorielles. De nombreux avocats souhaitent en effet adresser de brèves lettres présentant leur cabinet (ce ne sont pas à proprement parler des plaquettes). Il convient simplement que la rédaction de telles  lettres soit exclusive de tout démarchage et de toute sollicitation.

 

 

les insertions dans la presse

 

Les résolutions du conseil de l’ordre du 28 mars 1995 rappellent l’usage ancien qu’un avocat ne peut commenter directement sur le plan technique une décision de justice intervenue dans une affaire que lui-même ou son cabinet a suivi ou plaidée,

 

“ si ce n’est en la replaçant dans un contexte général et ce sous réserve de l’application stricte du règlement intérieur .

 

Il peut cependant exister parfois des exceptions pour des motifs légitimes.

L’avocat devra alors, préalablement, en référer au membre du conseil de l’ordre chargé de la publicité personnelle de l’avocat ”

 

De telles dispositions mettent en place des règles fondées sur l’arbitraire du conseil de l’ordre et doivent faire l’objet d’une révision. Des textes plus clairs doivent à l’évidence être publiés pour éviter toute discussion.

  Il appartiendra cet égard au comité d’éthique de faire des propositions soit de rédaction soit de modification du texte.

  Plus complexe est la question de la publication d’annonces insérées dans la presse quotidienne ou hebdomadaire comme celle qui a donné lieu à la délibération du conseil de l’ordre de janvier 1999.

  Les résolutions du 28 mars 1995 prévoient :

 

 “ ...dans le respect des dispositions du règlement intérieur, les interviews non sollicités par l’avocat ainsi que la publicité dans les journaux sont autorisés ”

 

Le conseil de l’Ordre n’a évidemment délibéré, en janvier 1999, que sur le respect des dispositions du règlement intérieur par l’avocat requérant au regard de l’ampleur de la diffusion qu’il envisageait, et non sur le principe de la publicité d’un avocat dans un journal.

  Il n’appartient plus au comité d’éthique de commenter la décision telle qu’elle a été prise (si ce n’est pour considérer qu’elle l’a peut-être été dans une précipitation inopportune).

  Il reste que se pose réellement à ce stade de la discussion la question des critères de la dignité et de la discrétion au regard du choix du support retenu par l’avocat.

  En d’autres termes les journaux Le Monde et Les Echos sont-ils plus dignes ou plus discrets que les hebdomadaires Point de vue, l’Evénement ou Paris-Match ?

  Dans la mesure ou l’information fournie par la publicité de l’avocat doit être nécessaire au public, il paraît difficile de limiter la publicité dans la presse à des journaux dits dignes sans risquer de mal informer les lecteurs de ceux qui le sont moins.

  Or toutes les catégories socioprofessionnelles ont le droit d’être défendues, et donc informées sur leurs avocats, même celles qui lisent des journaux moins “ nobles ” que Le Monde ou les Echos.

  Se pose également la question de l’ampleur de la diffusion du support retenu au regard de l’importance quantitative du cabinet qui va solliciter l’insertion publicitaire; il est difficile au rapporteur de faire des propositions concrètes mais il appartient certainement au comité d’éthique de proposer des solutions quantitatives à caractère objectif et qui ne cantonnent pas l’avocat aux journaux locaux.

 

Internet

  Il est manifestement beaucoup trop tôt pour  mettre en place des règles précises relatives à la publicité de l’avocat sur Internet.

  Les instances professionnelles ont actuellement une vision beaucoup trop confuse du fonctionnement de ce média (ils confondent par exemple courrier électronique, publicité sur Internet et consultation en ligne) pour être à même de mesurer la portée des décisions qui seraient prises dans ce domaine.

  On peut néanmoins rappeler que la publicité de l’avocat est actuellement autorisée sur Internet, ce qui signifie que l’avocat peut mettre en ligne, c’est-à-dire rendre accessible au public, un “ site web ” présentant son cabinet et sur lequel, par des moyens de navigation interactive le public peut prendre connaissance des informations relatives à son cabinet.

  Il faut pas exagérer la puissance de ce média. Le fait qu’il soit accessible partout dans le monde ne signifie pas que l’accès en soit effectif.

  Et de même qu’il est tout à fait possible de mesurer précisément l’impact d’un placard inséré en première page du journal Le Monde il est encore plus facile de mesurer le nombre de connexions  réalisées sur le site d’un cabinet d’avocats.

  Et il est clair que la première méthode est un moyen bien plus efficace de se faire connaître que de placer un site sur Internet.

  La particularité d’Internet est la nécessité d’animer le site, c’est-à-dire d’en modifier fréquemment les données, faute de quoi il n’y est plus accédé par les internautes

C’est cette possibilité de modifier constamment sa publicité, qui est quasiment une nécessité, qui inquiète les autorités chargées de ce contrôle.

  La mesure de l’état actuel de la publicité des avocats sur Internet, si elle était effectuée comme certains le proposent, serait sans beaucoup de sens et déjà périmée au lendemain de son établissement.

  La profession dans son ensemble semble d’accord pour considérer ce média comme entrant dans le champ d’application du décret du 27 novembre 1991 et accepte que les règles qui s’appliquent au support papier régissent de la même façon les informations fournies sur les sites des avocats et leur présentation.

  La question relative à la fourniture de consultations par voie électronique n’entre pas dans le champ du présent rapport ; c’est une question qui ressortit du domaine de la déontologie de la consultation et non de celle de la publicité de l’avocat ; il n’y sera donc pas fait référence.

 

Les règles qui se sont dégagées en 1998 à propos la publicité de l’avocat sur Internet sont données ci-après.

  Le comité d’éthique peut les approuver ou suggérer leur modification, mais il lui est recommandé de ne pas prendre cet égard de décision définitive.

 

L’avocat doit être maître des informations qui sont fournies sur le site qui le concerne.

  Ce site (mais non le fournisseur de services qui l’héberge) doit être placé sous la responsabilité de l’avocat qui doit pouvoir y accéder facilement afin d’y faire effectuer les modifications ou rectifications nécessaires.

  L’avocat ne doit pas sur son site faire de la publicité pour d’autres fournisseurs dans quelques domaine que ce soit ; il ne doit pas établir de lien à partir de son site vers d’autres sites à caractère commercial et avec lesquels il aurait passé un accord à caractère pécuniaire.

  Il peut en revanche conseiller gratuitement la consultation d’autre d’autres sites qu’il juge intéressants pour les recommander à ses visiteurs par des liens hypertexte.

  Le site de l’avocat ne doit pas être indiqué dans d’autres sites autrement que comme une recommandation et celle-ci doit être exclusive de toute rémunération par l’avocat.

 

  3. le contrôle de la publicité de l’avocat

 

L’article 5.4 du règlement intérieur prévoit deux types de contrôle .

  L’avocat (article 5.4.4) peut demander expressément l’autorisation de réaliser la publicité qu’il envisage.

  Il peut aussi (article 5.4.5) se contenter de déposer le projet de sa publicité à l’ordre; il lui est donné récépissé de ce dépôt par l’attribution d’un numéro ; il peut alors réaliser la publicité.

  En pratique et en cas de difficulté, le membre du conseil de l’Ordre délégué par le bâtonnier pour surveiller la publicité (sans que cela puisse être assimilé à un contrôle a priori) prend contact avec l’avocat requérant et lui signale en les lui expliquant les difficultés que pose son projet.

  L’expérience prouve que cette méthode est parfaitement adaptée à la situation actuelle du barreau ; en premier lieu parce que le nombre de publicités déposées n’est pas très important et en second lieu parce que les avocats acceptent les recommandations qui leur sont faites qui généralement améliorent leurs messages publicitaires.

  Le Conseil national des barreaux dans les propositions d’harmonisation qu’il va soumettre à son assemblée générale a retenu cette procédure.

 

Il existe des barreaux (comme celui des Hauts de Seine) où il n’y a pas de dépôt et où le contrôle se fait lorsque le conseil a d’une façon ou d’une autre connaissance de la publicité des avocats de son Barreau.

  Un choix pourrait être fait entre ce contrôle effectué exclusivement a posteriori et la procédure de dépôt en vigueur au barreau de Paris et dans d’autres barreaux français.

  En réalité c’est une question de quantité de publicité.

  Les rapporteurs soussignés estiment en effet qu’un jour viendra où il ne sera matériellement plus possible de mettre en œuvre le contrôle actuellement réalisé lors de la procédure de dépôt de telle sorte que l’attribution du numéro sera complètement automatique ce qui lui retirera une partie de son intérêt.

  Aucune modification n’est suggérée de ce chef.

 

  La particularité des plaques d’immeuble

  L’apposition d’une plaque à l’extérieur de l’immeuble où exerce l’avocat est actuellement soumise à l’autorisation du conseil de l’ordre.

  Ce contrôle, généralement méconnu de la plupart des avocats qui apposent des plaques sans solliciter d’autorisation, et qui a l’intérêt de permettre au membre du conseil de l’ordre responsable de rappeler à l’avocat l’obligation qu’il a de s’assurer de l’autorisation préalable du syndicat des copropriétaires, pourrait être aligné sur le régime général de la publicité.

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